Le dilemme de l’étiquette
C’est officiel, des gens vont acheter mes kimonos dans des magasins. En janvier 2018, les premières commandes arrivent. Il va falloir que j’ajoute des étiquettes. Comment les choisir ? Chez qui les produire ? Comment les dessiner ? Un tas de questions (ce ne sera que le début) que je me pose en allant à Première Vision*, le salon des tissus.
Jusqu’alors, un petit bout de papier suffisait. 100% soie - imprimé en Italie et confectionné à Paris. Lavage à sec recommandé. Basta. Demain, mes kimonos seront vendus dans des boutiques, je ne serai plus là pour les accompagner jusqu'à la cliente, une étiquette de composition doit prendre le relais.
De bon matin, je rencontre plusieurs fournisseurs. Les étiquettes, c’est leur boulot, ils font exclusivement du packaging, voire des étiquettes. Ils sont souvent italiens, on se comprend bien.
Ma checklist :
Une belle étiquette
Qui ne gratte pas
Qui aille avec tous mes kimonos
Qui ne soit pas trop chère
Avec des minima assez bas pour me permettre de me tromper, de recommencer, sans en gâcher 1 000 exemplaires.
Je crois que j’ai en tête une étiquette comme celles qu’on trouve sur le vintage :
La beauté de ces étiquettes <3
“Une étiquette tissée, c'est 1 000 pièces minimum”
Je vais vite déchanter.
Problème #1, les quantités minimum. Une étiquette tissée, c’est 1 000 pièces minimum. L’unité n’est pas chère, bien sûr, et il y a un bon à tisser à valider avant la production, mais c’est ma première étiquette et je peux me tromper, et ne m’en rendre compte qu'à l’usage.
Problème #2, les couleurs. Plus il y en aura, plus la facture grimpera. Je ferai donc une seule couleur, mais laquelle ? Du blanc sur noir basique, chic, timeless ? J’ai tant de couleurs sur les kimonos que, oui, il faudra que ça aille avec tout, donc oui...
... mais bof.
Quel format ? J’ai pas mal de trucs à écrire. Les kimonos se portent aussi ouvert, où la coudre sans qu’elle ne gêne ?
J’ai aussi un problème #3 FON-DA-MEN-TAL : ces sublimes étiquettes sont en polyester. Je me casse les pieds à faire des kimonos en crêpe de Chine, un tissu imprimé en Italie qui me coûte un bras, et je vais écrire “100% soie” sur une étiquette en polyester ? LOL.
Je suis snob, j’assume.
“En sérigraphie, même problème de minimum et de couleurs”
Je me retranche sur de l’étiquette imprimée. Je suis une pro des imprimés ou je ne suis pas une pro des imprimés ? En sérigraphie, même problème de minimum, et de couleurs. En digital ? Je suis une pro de l’impression digitale ou je ne suis pas une pro de l’impression digitale ? Je ne trouve que des étiquettes de cowboys. Des gros trucs en coton écru. Et pour des raisons que je ne m’explique pas, il ne sera possible d’imprimer qu’une seule couleur, avec, toujours, des minima hallucinants.
Je suis désespérée. J’avoue même qu’à un moment, j’ai pensé à une étiquette moche que les gens découperaient dès qu’ils achèteraient le kimono (un peu comme les étiquettes Zara qui font 3 kilomètres, mais pas en plastique tout de même).
J'ai déjà du tissu imprimé et il est inexploité !
Et puis… Et puis, en parlant avec mon amie Charlotte (elle aussi dans cette situation, mais avec plus de tissus différents, donc plus d’étiquettes, bla bla), je me dis que j’ai déjà tout ce qu’il me faut ! J’ai déjà du tissu imprimé avec le même motif que chacun des kimonos, et il est complètement inexploité.
J’en parle tout de suite à mes imprimeurs qui sont eux aussi sur le salon, je leur envoie rapidement un fichier avec toutes mes étiquettes, ils impriment, je teste, je plie et je couds. Et j’adore.
Je passe d’un truc que je détestais a priori (des étiquettes qui grattent) à un détail que je trouve aujourd’hui essentiel dans la conception de mes kimonos. Et qui ne me coûte que le temps de les découper et de les plier.
Happy end !
*Première Vision : Le salon pro des tissus et accessoires pour “fabriquer” la mode, qui a lieu 2 fois par an à Villepinte, l’occasion de trouver de nouveaux fournisseurs pour tous les designers.